Edmond Baranes : Sous les feux du numérique

Aux première loges des révolutions numériques, Edmond Baranes travaille depuis trois décennies sur l’économie des services télécoms. Le professeur de sciences économiques de l’Université de Montpellier a été élu doyen de la Faculté d’économie en 2024.

En démarrant une thèse à l’Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne sur l’économie des réseaux et services télécoms au début des années 1990, Edmond Baranes ne pouvait pas prévoir que son objet d’étude allait connaître des bouleversements majeurs. Le professeur de sciences économiques de l’Université de Montpellier a été aux premières loges d’un paysage chamboulé par l’arrivée d’Internet, puis restructuré autour de géants de l’économie mondiale, comme Google ou Microsoft. « J’ai toujours été surpris par la vitesse des changements dans ce secteur, par la réactivité des acteurs, par l’appropriation des nouveaux services par les usagers. Aujourd’hui avec l’IA générative, j’ai l’impression que ça s’accélère encore », souligne le chercheur.

« Rapports très musclés »

Lui travaille sur les marchés du numérique, dont les transformations ont « généré des questions d’analyse économique multiples ». Il voit donc France Télécom virer au Orange, l’ouverture à la concurrence, l’âge d’or des opérateurs Télécoms puis l’expansion des fournisseurs de contenus numériques – les GAFAM devenus MAMAA (Microsoft, Amazon, Meta, Apple et Alphabet). L’économiste étudie les relations entre opérateurs et fournisseurs, relations devenues asymétriques face aux nouveaux géants du numérique. « En basant leur modèle économique sur les données, les fournisseurs ont besoin de plus en plus de bande passante ; aux opérateurs de suivre et d’investir en conséquence dans les réseaux, sans garantie d’un retour sur investissement. J’ai participé à des échanges à Bruxelles, où j’ai été témoin de rapports très musclés », souligne Edmond Baranes qui assiste aussi au lobbying de ces acteurs privés : « Ils pèsent aujourd’hui sur le fonctionnement des marchés et sur les politiques nationales et européennes dans des proportions jamais vues. »

Arrivé à Montpellier en 2001, après avoir occupé un poste de professeur à l’Université d’Artois, Edmond Baranes développe un deuxième pan de recherche en économie de l’énergie. Aujourd’hui, il s’intéresse également à la consommation énergétique du numérique. L’économie de la donnée est en effet une des causes de l’appétit énergétique du numérique, puisque le traitement de données toujours plus massives nécessite la multiplication des processeurs et des data-centers dont l’activité fait grimper la consommation d’énergie du secteur. « Et l’essor de l’IA accélère encore cette empreinte écologique », souligne le chercheur à Montpellier recherche en économie (MRE), en ajoutant « en même temps, l’IA peut contribuer à la transition écologique ».

Modèles économiques des données

Depuis deux ans, Edmond Baranes développe une troisième spécialité, sur les modèles économiques des données, notamment les données géolocalisées, en tant que président de la commission « Modèles économiques » du Comité national de l’information géolocalisée (Cnig), placée auprès du ministre en charge du développement durable. Depuis le 3 juin 2024, il a également endossé son rôle de doyen de la Faculté d’économie. Fraichement élu, celui qui est déjà vice-doyen depuis 2019 au côté de François Mirabel reconnaît que la tâche n’est pas si nouvelle. Ce nouveau mandat de 5 ans « va se faire dans la continuité de mes précédents travaux, en particulier sur les partenariats socio-économiques pour la formation professionnelle », précise l’intéressé. Déjà l’alternance a été introduite à la rentrée 2023 dans deux parcours de master, « Economie du numérique » et « Economie de l’énergie ».

L’objectif est d’élargir le nombre de parcours ouverts à l’alternance, en particulier dès la troisième année de licence. « Cette professionnalisation dès la licence est une demande qui émane notamment des conseils de perfectionnement, où certains étudiants souhaitent arriver sur le marché du travail dès le bac+3. En discutant avec les partenaires socio-économiques, ils trouvent aussi un intérêt à embaucher des jeunes économistes rompus au traitement des données et à la maitrise des outils numériques, capables de porter une analyse sur des projets d’investissements par exemple. » Reste à Edmond Baranes à embarquer l’ensemble de ses collègues dont certains peuvent être parfois réticents notamment face à la complexité de la gestion de ces doubles parcours. L’internationalisation des formations est aussi un axe fort de son engagement pour la Faculté d’économie, il souhaite en faire une priorité et réfléchir à la mise en place de doubles diplômes en s’appuyant sur les partenaires stratégiques de l’Université de Montpellier « pour offrir à nos étudiants une perspective académique et professionnelle internationale », conclut-il.