Fabienne Remize : un bon millésime

Spécialiste des microorganismes du vin, la biologiste Fabienne Remize change d’échelle en prenant la direction d’une grande unité, l’UMR Sciences pour l’œnologie (SPO : Université de Montpellier, Inrae, Institut Agro – Montpellier SupAgro) dans le cadre du programme d’attractivité de l’I-SITE MUSE. 

La boucle est bouclée. En 1999, Fabienne Remize achevait ses études montpelliéraines avec un doctorat en microbiologie à l’Institut des Produits de la Vigne. Vingt ans plus tard, elle revient dans la capitale languedocienne pour diriger l’Unité mixte de recherches Sciences pour l’œnologie (UMR SPO). Si le vin a occupé une bonne partie de la carrière de la chercheuse, qu’on ne s’y méprenne pas, c’est dans sa dimension microscopique que le vin la captive. Cette biologiste moléculaire travaille en effet sur les levures et bactéries qui interviennent dans la vinification.

Dès sa thèse, Fabienne Remize trouve comment obtenir des souches de levures qui produisent moins d’éthanol, au profit du glycérol. Un apport important pour la vinification parce que cette réorientation des flux métaboliques permet d’obtenir des vins plus légers et plus ronds. Une recherche appliquée donc qui répond alors aux attentes de la filière viticole.

Et ces préoccupations n’ont pas perdu de leur actualité, au contraire. Dans la région, le degré d’alcool du vin a pris quatre points au cours des 30 dernières années, à cause du réchauffement. La recherche sur la vinification doit – plus que jamais – intégrer cette perspective du changement climatique. En particulier dans sa dimension appliquée pour accompagner les stratégies d’adaptation des vignerons.

Biopréservation

Autre temps, autres mœurs, si la vinification se faisait à grand renfort d’intrants, voire avec des approches de génie génétique pour développer de nouvelles souches, aujourd’hui ce sont des pratiques respectueuses de l’environnement qui ont le vent en poupe. « On s’intéresse plus au rôle de l’écosystème du raisin dans la dynamique de fermentation », explique la microbiologiste qui mesure l’évolution de sa discipline. La demande préfère des vins plus « naturels », en particulier avec moins de sulfites.

Et là encore, les travaux de Fabienne Remize sur la bioprotection ont un intérêt appliqué direct. « L’objectif est de modifier les équilibres microbiens pour favoriser des flores dont le rôle antimicrobien et antioxydant limite les apports en sulfites », explique la spécialiste. La biopréservation est en effet un de ses principaux champs de recherche. Comme maître de conférences à AgroSup Dijon entre 2000 et 2008 d’abord, où elle travaillait sur les microorganismes impliqués dans l’altération des vins. En particulier sur Oenococcus oeni, une bactérie importante car impliquée dans la fermentation malolactique qui modifie l’acidité du vin. Maitriser son développement est nécessaire, pour développer des arômes spécifiques et donner plus de souplesse. Autre objet de ses recherches, les Brettanomyces, des levures qui donnent au vin une odeur animale désagréable. La chercheuse a développé une méthode de test PCR pour quantifier ces levures avant la mise en bouteille.

Là encore, la technique intéresse l’industrie du vin. Et pas que du vin d’ailleurs. Ce qui donne l’occasion à Fabienne Remize de faire un pas de côté pour passer trois ans dans le privé au sein du Centre Technique de la Conservation des Produits Agricoles (CTCPA) à Avignon. Chef de projet en microbiologie, elle met en place un système de détection précoce de bactéries d’altération, dans la chaine de fabrication des conserves.

“Dynamique positive”

Puis un poste de professeur à l’Université de La Réunion la fait revenir dans le sérail académique. Nouvel hémisphère et nouvelle réorientation thématique, puisqu’elle travaille sur l’utilisation de bactéries lactiques pour la production de fruits et légumes transformés. Maitriser le développement de ces bactéries, faiblement acidifiantes, permet de jouer sur les équilibres microbiens pour limiter le développement des bactéries pathogènes. L’intérêt est double : en évitant le chauffage, cette technique garde la qualité nutritionnelle des aliments et assure la conservation des produits. Des caractéristiques intéressantes pour différents produits frais à base de fruits et légumes comme des jus, smoothies, produits lactofermentés ou encore fruits prédécoupés. Son équipe a d’ailleurs obtenu un brevet en août dernier pour la technique de biopréservation de la carotte et de la mangue. Et une discussion est engagée pour la reprise du process par l’industrie agroalimentaire.

Mais ce parcours académique ne fait pas tout. L’enseignante-chercheuse sait que, pour ce nouveau poste, se sont ses compétences de direction qui seront surtout à l’honneur : « Dans l’UMR SPO, mon rôle sera de faire fonctionner un collectif de près d’une centaine de personnes (dont soixante permanents). » Elle a déjà fait ses premiers pas dans la fonction de direction en tant que directrice adjointe de l’École supérieure d’ingénieurs Réunion Océan Indien (ESIROI), en charge de la formation. Aujourd’hui, « la dynamique positive » qu’elle a découvert au sein de cette unité, qui réunit INRAE, Montpellier SupAgro et l’Université Montpellier, lui a plu. « Il y eu un gros travail avec les équipes, qui a abouti à une réorganisation autour des grands enjeux de l’œnologie », se réjouit celle qui se félicite aussi de cette promotion dans sa ville de prédilection.