Joan Guàrdia i Olmos : l’enseignement à cœur d’Europe

Distingué par un titre de docteur honoris causa par l’Université de Montpellier, Joan Guàrdia i Olmo est professeur de méthodologie des sciences du comportement à la Faculté de psychologie de l’Université de Barcelone (UB). Depuis 2020, il en est aussi le recteur. Avec à cœur de défendre une Europe de l’enseignement et de la recherche autour de valeurs partagées.

Chaque cérémonie de remise du titre de docteur honoris causa est singulière. Celle qui concerne Joan Guàrdia i Olmos, le recteur de l’Université de Barcelone, n’échappe pas à la règle. Ne serait-ce que parce que le parrain du chercheur catalan n’est autre que, Philippe Augé, le président de l’Université de Montpellier. Dans le cadre prestigieux de la salle des Actes du bâtiment historique de la Faculté de médecine, il déclare que cette distinction aussi symbolique que porteuse de sens est remise à son homologue espagnol « en tant qu’universitaire, visionnaire, responsable d’établissement avec cette vision si singulière d’ouverture vers d’autres pays européens mais aussi sur le monde ».

Un chercheur émérite

En tant qu’académique, Joan Guàrdia i Olmo s’est construit au fil des années un impressionnant bagage universitaire dédié à la compréhension de la complexité de l’esprit humain. Barcelonais pur jus, il obtient avec brio une licence en philosophie et sciences de l’éducation (section psychologie) à l’Université de Barcelone en 1985 avant de décrocher l’année suivante un doctorat dans le même domaine. Dès 1987, il commence à enseigner en tant que professeur de méthodologie des sciences du comportement à la Faculté de psychologie ainsi qu’au sein de différentes facultés de l’université barcelonaise et donne des conférences à travers le monde sur des thématiques allant de la recherche en neurosciences à l’analyse des risques psychosociaux.

« Vous jouissez d’une carrière de chercheur remarquable, avec plus de 30 livres publiés et plus de 250 articles à votre actif. Vous avez dirigé plus de 25 projets de recherche d’excellence, tant au niveau national qu’international, et avez contribué à plus de 40 accords de transfert de connaissances et d’innovation », détaille Philippe Augé dans son éloge. Membre de deux grands instituts de recherche de l’Université de Barcelone, l’Institut des neurosciences (UBneuro) et l’Institut des systèmes complexes (UBICS), Joan Guàrdia supervise de nombreuses thèses de doctorat et dirige un groupe de recherche sur la psychologie quantitative. « Vos contributions aux systèmes d’équations structurelles en psychologie ont marqué un tournant significatif dans notre compréhension des modèles de prédiction de l’anxiété sociale », complète le président de l’Université de Montpellier.

Des liens étroits entre Montpellier et Barcelone

En parallèle, le chercheur catalan s’est fortement engagé au sein de la direction de l’Université de Barcelone. En tant que doyen de la Faculté de philosophie et des lettres, avant d’être élu recteur en décembre 2020, puis récemment réélu le 5 décembre 2023 pour un mandat de six ans. Cette responsabilité à la tête de l’Université de Barcelone lui vaut d’être un partenaire privilégié de l’Université de Montpellier, les deux villes ayant des liens étroits depuis de nombreuses années, notamment en raison d’un jumelage datant 1963. La relation fructueuse entre les deux établissements d’enseignement supérieur est riche en collaborations. François Pierrot, vice-président aux relations internationales de l’Université de Montpellier met en avant des points communs, dont l’engagement dans « des recherches d’excellence qui contribuent énormément à leur visibilité internationale » et un souci de « l’impact de leurs travaux sur les enjeux de développement durable à l’échelle de la planète ».

Une riche collaboration académique marquée par des accords phares comme l’accord cadre interuniversitaire signé entre l’Université de Barcelone, l’Université de Montpellier et l’Université Paul-Valéry Montpellier 3 en 2015, ou encore l’accord cadre institutionnel sur le périmètre de l’I-site signé en 2017, officiellement renouvelé à la fin de la cérémonie de docteur honoris causa. Un double diplôme de master en sciences de l’eau était également lancé en 2023.

Une ouverture à l’Europe

Mais l’un des grands projets communs porté par l’Université de Barcelone et l’Université de Montpellier demeure le consortium CHARM-EU, au sein duquel Joan Guàrdia s’est révélé dans un rôle moteur fondamental. « Par votre vision stratégique, votre leadership inégalé et votre capacité à rallier les autres éminents dirigeants des établissements membres de l’alliance, vous avez su insuffler un élan politique puissant au plus haut niveau et amorcer un changement fondamental », note Philippe Augé.

Un aspect sur lequel revient Gilles Subra, chargé de mission CHARM-EU à l’Université de Montpellier : « Travailler avec cinq nationalités, et maintenant huit n’est pas facile. Mais le style de l’UB est d’abord une grande transparence, un respect de la parole de tous et la volonté de toujours arriver au compromis par la discussion. Je crois que cette façon de faire est parfaitement incarné par son président Joan Guardia ».

Un avenir universitaire commun

Dans un discours énoncé intégralement en français, le recteur de l’Université de Barcelone s’est exprimé sur les problématiques d’une Europe de l’enseignement et de la recherche, et de la nécessité de construire un avenir universitaire commun malgré les nombreux obstacles à surmonter. « La conception d’une Europe universitaire implique inévitablement des changements, des parcours partagés, une coordination au-dessus de la stratégie individuelle et une collaboration honnête », affirme-t-il.Tout en reconnaissant le chemin parcouru : « Au cours de ces huit années de travail en relation avec les alliances européennes, une réalité indiscutable s’est construite. La preuve qu’un vent de fraternité méditerranéen aux senteurs d’Europe continue de souffler sur Montpellier.

CHARM-EU : construire ensemble l’université de demain

L’alliance d’universités européennes CHARM-EU a été initiée en 2019 sous l’impulsion de l’Université de Barcelone sous la présidence de son recteur d’alors, Joan Elias Garcia, afin de répondre au premier appel à projet Erasmus + des Universités européennes. En juin 2019, le projet CHARM-EU faisait partie des 17 lauréats, réunissant cinq partenaires sous la coordination de l’Université de Barcelone, dont l’Université de Montpellier, l’Université d’Utrecht (Allemagne), le Trinity College de Dublin (Irlande), l’Université Eötvös Loránd de Budapest (Hongrie). Cinq universités européennes ont rejoint l’alliance CHARM-EU : l’Université d’Åbo Akademi (Finlande), l’Université de Wurtzbourg (Allemagne), Entrepreneurship (Allemagne) et l’Université de Bergen (Norvège). « On peut saluer le choix audacieux qui a été fait par l’Université de Barcelone en tant que coordinateur de choisir de travailler sur une dimension globale liant la partie enseignement et la partie recherche et impliquant dès le début toutes les missions de l’université afin de réellement créer une alliance stratégique durable », note Gilles Subra, chargé de mission CHARM-EU à l’Université de Montpellier.

Pour expérimenter pleinement cette façon de concevoir une alliance transnationale d’établissement d’enseignement supérieur, un master conjoint co-construit a été lancé en 2021. Intitulé Défis globaux pour le développement durable, ce cursus transdisciplinaire adossé à la recherche repose sur la résolution de défis de terrain en phase avec les problématiques de la société. Les projets de l’alliance CHARM-EU sont nombreux : un catalogue de cours internationaux commun, la mise en place de microcrédits, le développement d’un concept de doctorat en équipe… Aujourd’hui, seulement 10% des universités des 27 états membres de l’Union Européenne participent à une alliance, et pourtant déjà une cinquantaine d’alliances d’universités européennes ont déjà vu le jour, auxquelles participent plus de 40 universités françaises.