Silvia Giordani : Des nano-onions à toutes les sauces
Grâce au programme MAK’IT (Montpellier Advanced Knowledge Institute on Transitions), Silvia Giordani tisse des collaborations avec plusieurs laboratoires de l’UM autour de ses recherches sur les nanomatériaux. La professeure de la Dublin City University en profite pour élargir les applications biomédicales de ses nano-onions de carbone à d’autres domaines que la médecine, en particulier l’énergie.
L’accueil de Silvia Giordani pendant quelques mois à l’Institut Charles Gerhardt de Montpellier (ICGM) est l’occasion de la saisir au vol. Après quelques fausses pistes. Car si sa chevelure rousse cadre avec sa signature de professeure à la Dublin City University (DCU), le cliché irlandais tombe vite : comme son nom l’indique, Silvia Giordani est italienne. Et quand elle évoque, joueuse, ses débuts à l’UM dès la fin des années 1990, elle nous égare encore puisque sa venue à Montpellier est une première. Ses UM à elle sont l’Université de Milan puis l’Université du Miami où elle a fait sa thèse. La chercheuse qui, en quelques minutes, dégage une vitalité communicative, a roulé sa bosse. Celle qui se décrit comme une « crazy scientist, always excited about new projects » a de l’énergie à revendre et il lui en a fallu pour arriver là où elle est.
Une bourse de réintégration
Car Silvia Giordani a, pour ainsi dire, fait plusieurs carrières. Après sa thèse en chimie, grâce à une bourse de recherche Marie Curie, elle enchaine un post-doctorat au Trinity College de Dublin, puis un autre à l’Université de Trieste avec une bourse de réintégration Marie Curie qui finance le retour des chercheurs dans leur pays d’origine. En 2006, tout s’accélère. Elle décroche une bourse irlandaise, l’équivalent national d’une ERC, soit 1,5 millions d’euros. Ses travaux sur les nanomatériaux de carbone sont prometteurs pour le traitement de cancers. Retour à la case Trinity College où elle monte son laboratoire. L’année suivante elle reçoit le prestigieux President of Ireland young researcher award. Alors qu’elle prend le thé avec le président écossais, elle a le sentiment que son « dream comes true! »
Mais aucun poste ne l’attend à l’issue de ces cinq années fructueuses. Elle rentre en Italie en 2013 à l’Istituto Italiano di Tecnologia (IIT). Si l’institut encourage ses travaux sur les nanomatériaux de carbone, elle se souvient surtout d’avoir dû « remonter un autre laboratoire à partir de rien, dans un sous-sol vide… » Quatre ans plus tard, Silvia Giordani obtient enfin un poste de professeure associée en chimie organique à l’Université de Turin. Mais l’année suivante une offre de professeur senior se présente à l’université DCU de Dublin. Poste qu’elle décroche.
« Avec mes trois vies de chercheuse »
« Ça a été une façon intéressante d’accéder au plus haut niveau », souffle Silvia Giordani, magnanime. Les caractéristiques des nanomatériaux qu’elle a développés depuis une quinzaine d’années – les nano-onions de carbone comme elle les dénomme pour illustrer leur forme sphérique composée de plusieurs couches, ouvrent à de nombreuses applications. La chercheuse travaille principalement sur des applications biomédicales, ces nanostructures étant capables d’acheminer les traitements contre les cellules tumorales cancéreuses. « J’ai publié cette année un article sur l‘intérêt de nano-onions dans le traitement du cancer du pancréas : la résistance des cellules cancéreuses à un traitement peut être contournée en encapsulant le médicament dans un nano-onions qui va agir sur la cellule », explique-t-elle. Elle vient de décrocher un nouveau financement irlandais de 1,2 million d’euros pour cinq ans pour travailler sur les cancers du cerveau.
Échanges d’étudiants
Silvia Giordani se félicite des nombreuses collaborations qu’elle a nouées à chaque étape de sa carrière. « Avec mes trois vies de chercheuse, j’ai une expérience plus riche que mes homologues qui n’ont pas bougé. Ça m’a appris beaucoup, entre autres à ne pas promettre à des jeunes chercheurs ce que l’on ne peut pas tenir ! Aujourd’hui, je fais du mentorat pour des chercheuses en les encourageant à aller là où leurs compétences sont reconnues. » Celle qui semble ne pas se lasser d’aller voir ailleurs a aussi bénéficié d’accueils scientifiques en Nouvelle-Zélande et au Japon. Cette fois, c’est la France avec l’envie d’accomplir un vieux rêve : devenir francophone. A voir si la vitesse d’apprentissage de la langue sera aussi rapide que celle des collaborations professionnelles. Après seulement un mois, la chercheuse a déjà engagé des projets avec trois laboratoires de l’Université de Montpellier.
« Mon point d’entrée ici a été Nicolas Brun de l’ICGM pour un projet d’utilisation des nano-onions dans le développement de bio-électrodes. » Une nouvelle application au secteur de l’énergie verte, alors que ses travaux sur les nanomatériaux ont été, jusque-là, spécialisés dans le domaine de la santé. Elle entame également des collaborations avec le laboratoire Charles Coulomb (L2C) sur la spectroscopie et avec l’Institut des biomolécules Max Mousseron en biomédecine. Silvia Giordani ambitionne aussi de démarrer des programmes d’échange d’étudiants et de doctorats croisés entre les institutions montpelliéraine et dublinoise. Et de conclure sur un mot de reconnaissance pour l’équipe MAK’IT qui, outre l’accueil scientifique, propose un programme d’intégration qui a lancé sa vie sociale montpelliéraine.